Divers articles parus ces jours-ci indiquent que la banque Suisse UBS, le plus gros Asset Manager du monde, a décidé de fermer son hedge fund Dillon Read Capital Management (DRCM), devant les piètres performances de ce dernier.
Le Financial Times rappelle dans sa récente édition que DRCM avait été lancé en Juin 2005 à grands frais, afin de développer une expertise en hedge fund en dehors de la banque d'affaires et non à travers les desk de proprietary trading habituels. Cette approche est pour moi toujours valable, car la banque d'affaires ne fait alors que "sponsoriser" le hedge fund et prend un peu moins de risque sur son bilan. En outre, les managers de hedge fund sont connus pour aimer leur indépendance, et ne souhaitent pas forcément rendre des comptes à la maison mère ou même aux investisseurs tous les jours; la solution externe permet donc de réaliser ce type de montage, et la banque peut investir et mettre en concurrence plusieurs hedge funds rapidement.
C'est ce qui est rappelé très justement dans l'article du FT :
« By lifting 120 fixed-income proprietary traders out of its investment banking division and placing them in a new unit, UBS was attempting to promote – on an industrial scale – the trend for talented traders to set up their own hedge funds. »
Toutefois, il est un "edge" que les prop traders ont vite fait de perdre lorsqu'ils se retrouvent en dehors des murs de la banque d'affaires :
l'information.
Quand je parle d'information, je veux bien sûr entendre l'information
utile, et non pas ce que tout le monde peut voir à chaque instant sur les écrans Bloomberg ou en lisant le Wall Street Journal; cela n'est pas de l'information utilisable puisque tout le marché est déjà au courant. Par contre, les deals de M&A confidentiels dont on peut discuter avec ses collègues en fumant une cigarette, les gros investisseurs ou managers présents pour des réunions à la banque, les rumeurs internes etc.. sont des informations directement exploitables par des prop traders malins.
En théorie, si les prop traders d'UBS étaient bons, le fait de les délocaliser à plusieurs kilomètres de leur bureau habituel n'aurait pas du avoir d'influence sur la qualité de leur travail et sur leur flaire pour investir : aux yeux des organes de contrôle interne de la banque, ils disposaient des mêmes sources d'information qu'avant, du terminal Bloomberg, du téléphone, internet etc.. Mieux encore, puisqu'on nous rabâche les oreilles avec les nouveaux algorithmes de trading automatique que les hedge funds utilisent, les ordinateurs fonctionnent à priori de la même manière partout dans le monde. Bien sûr, le contrôle interne est peut être trop naïf de croire que cela leur suffisait pour battre les marchés; toute personne un peu lucide sait très bien que les Chinese Wall censés protéger les informations confidentielles en interne sont facilement contournables, et qu'il est toujours très tentant de profiter ou d'essayer d'acquérir des informations exclusives - lorsque l'on peut y avoir accès - pour ne pas le faire.
Aussi ce demi aveu du Chief Executive de UBS, Peter Wuffli ne nous étonnera pas :
« We under-appreciated the synergies of a proprietary trading operation being directly integrated into the investment bank »
Quelle blague énorme. Il est des fois où j'aimerais être une journaliste pour poser les bonnes questions en conférence de presse. Car lorsqu'il parle de synergies, les lecteurs avertis éviteront de penser bêtement aux dispositifs débiles du genre contrôle des risques ou service informatique, pour mettre le doigt sur la seule chose qui compte réellement : l'information avant l'heure, l'information confidentielle, celle accessible uniquement en interne.
Alors bien entendu il existe des gérants réellement talentueux, qui savent faire fructifier le capital dont ils disposent, sans pour autant utiliser des techniques illégales. J'aurais d'ailleurs sûrement l'occasion de reparler prochainement de certains trade tout à fait légaux et qui marchent terriblement bien. Cependant, je suis de plus en plus irritée par les pratiques qui faussent les marchés et roulent les investisseurs dans la farine, et j'ai bien peur qu'un scandale de grande ampleur ne soit porté au jour dans les mois qui viennent.