mercredi 27 juin 2007

Evénements récents : taux d'intérêts, liquidités.

Depuis quelques jours, deux hedge funds contrôlés par la branche Asset Management de Bear Stearns sont sous les feux de l'actualité en raison des déboires qu'ils connaissent. Ces hedge funds ont en effet massivement parié sur le marché de l'immobilier Américain - au moment même où celui-ci subissait une forte correction - à travers notamment la souscription à des prêts à haut rendements adossés aux prêts subprime des ménages Américains.
Comme je l'ai déjà signalé dans différents articles de ce blog, les conséquences de l'explosion de ces prêts "pourris" ne pouvaient être que négatives et les opérateurs commencent enfin à se rendre compte de l'étendu des dégâts.

Cela fait maintenant plusieurs mois que je ne cesse d'interpeller mon entourage sur le véritable excès du marché, qui n'est pas au niveau de l'inflation ou des taux relativement bas, tels qu'on nous le présente régulièrement, mais dans la trop abondante liquidité disponible. Cette liquidité est celle qui crée de l'inflation, au sens de l'excès de création monétaire, l'agrégat M3 de la Banque Centrale Européenne étant tout de même à plus de 10% de croissance en rythme annuel depuis le début de l'année. Contrairement aux dires des pourfendeurs de la BCE, Mr Trichet respecte très bien le mandat qui lui a été confié en veillant sur le rythme de création monétaire, mais il n'a pas de prise, hors des taux directeurs, sur la capacité des banquiers à créer d'avantage de liquidités.

Ainsi, les marchés financiers et les investisseurs, armés par un sentiment bullish et surtout leurrés par des taux de défaut très faibles, se sont rués vers toutes les classes d'actifs existantes et ont inondé de liquidité tous les acteurs financiers. Structurellement, cette manne financière se comprend car l'investissement « actif » est devenu une règle d'or dans beaucoup de pays (voir l'assurance vie en France) et le monde connaît une phase de croissance depuis 2003 à un rythme rarement atteint dans l'histoire, même si nos chers petits français ne s'en rendent pas compte.

Ainsi, l'argent n'a jamais été aussi facile à lever, du moins lors des années 2005-2006, et la preuve en est du boom des fonds de Private Equity et des Hedge Funds qui ont souvent été sursouscrits. De même, les banques prêteuses ont facilement placé les titres de dettes qu'elles ont arrangées, les investisseurs recherchant aussi bien des actifs haut-rendement que des prêts sécurisés. Le talent de l'ingénierie financière aidant, tous ces titres plus ou moins risqués se sont arrachés comme des petits pains, tandis que les règles basique de coût du capital et de retour sur risque ont été oubliées.
Prenons l'exemple de l'indice CAC 40 : de Août 2003 à nos jours, l'indice a quasiment doublé, ce qui correspond pratiquement à un taux actuariel de 20% par an. Avec une telle performance, quelles sont raisonnablement les fonds qui justifient les frais prélevés sur leur capacité à battre l'indice de référence? Très peu en vérité, et je ne veux même pas parler de la volatilité de leurs résultats par rapport au marché ! (de toute manière, ces fonds faisant l'indice, seule une minorité de gérants est statistiquement capables de battre l'indice)

Aujourd'hui, les investisseurs commencent donc à prendre conscience que les capitaux investis n'ont pas forcément été correctement employés d'une part, et que d'autre part les risques encourus auraient du exiger un retour bien supérieur. Les gérants qui ont réussi à lever les fonds pendant cette période dorée sont des gens très malins qui ont su profiter d'une idée de base du capitalisme : utiliser l'argent confié par d'autres pour s'enrichir au passage, c'est l'effet de levier, et la finance mondiale est aujourd'hui complètement "leveragée" (en franglais), créant un surplus de liquidité en dehors des besoins.

J'entends ici ou la des personnalités telles que Mr Blankfein, CEO de Goldman Sachs, évoquer le danger d'un Credit Crunch, c'est à dire de durcissement des conditions d'obtention du capital. J'en suis plutôt contente car cela démontre que certains acteurs - et pas les moindre - ont bien compris que la liquidité trop facile avait créé une bulle. Reste à savoir si son éclatement surviendra.